8 novembre 2010

Mon nouvel établissement, ses nouvelles règles

Ou comment s'adapter à un environnement hostile en deux leçons.

1ère leçon : jeudi 17h30, rendez-vous avec un premier parent d'élève. Doit s'ensuivre un autre à 18h. Je m'avance donc d'un pas alerte vers la grille d'entrée, serre la main, puis tente de repartir dans la joie et la bonne humeur vers la salle des profs pour discuter. Mais je suis arrêtée en plein élan par Josette, dame de l'accueil, qui m'invite dans sa loge grand confort. Motif n°1 : pas de rendez-vous après 18h les jours de conseil de discipline, voyons, c'est évident ! Motif n°2 : de toute façon faut prévenir pour les rendez-vous après 17h , il faut qu'elle les note ! Motif n°3 : et puis les parents ont les reçoit dans la salle de 1.5m² à l'entrée, pas ailleurs !

Mais où avais-je la tête ?  Comment te le dire de manière diplomatique Josette ? Je ne peux pas respecter des règles si on ne m'en informe pas ! Dans un éclair de génie, Josette décide d'elle même qu'il serait pas mal de faire des photocopies du petit papier qui récapépète tout ça (et qui est collé DANS la loge), pour en informer tous les nouveaux. Pour le moment, rien dans mon casier ...

En attendant, j'ai fait l'aller-retour loge-salle des profs pour récupérer mes affaires (et le chemin, est très, très long) et j'ai hérité d'une bonne image auprès de parent n°1 : celle de la petite-jeune-dynamique -qui -n'hésite -pas-à-voir-les-parents-le-soir-mais-à-qui-l'administration-met-des-bâtons-dans-les-roues. Josette a également été ravie de me voir expédier le dernier rendez-vous en 5 min chrono, ça lui a évité de se faire des nœuds au cerveau.

2ème leçon : aujourd'hui 8h20, devant mon casier. Un papier de l'administration (non, pas les règles de rendez-vous de la part de Josette) qui m'informe que je suis invitée à assister à une super réunion trop importante pour une élève handicapée dont je suis prof principale, Simplette. Ok, no problem. La réunion a lieu le jour même de 13 à 14h. Moins cool. J'aurais aimé être informée un tout petit peu plus tôt, surtout que j'enchaîne sur 3h de cours... Les collègues autour de moi ont plus de chance : ils ont cours aux créneaux des autres réunions...

Je mange donc en 4ème vitesse et prend mon bâton de pèlerin dès 13h. La réunion ne démarre pas avant 13h15. Bien tassées les heures. Et là ma principale adjointe (PA) préférée qui me sort "ah mais c'est bien, vous êtes là !" Heu c'était pas obligé ? Visiblement la présence des profs principaux est assez exceptionnelle (genre on dirait qu'ils ont été prévenu le matin même). L'avantage c'est que je passe pour la prof principale super impliquée et que ma PA m'adore (elle a bien répété 4 fois que c'était géniaaaaaaaaaaaaaaaale que je sois là). Elle a intérêt à me donner une super note administrative, elle.

Au final j'ai quitté la réunion avant sa fin et je n'ai pas appris grand chose, si ce n'est que Simplette a un "petit niveau CP", ne déchiffre que des phrases simples et que sa mère plane totalement.

5 novembre 2010

Ma reprise, les mots doux de Gwada

Ou comment bien commencer une journée

Gwada est en 3°, me dépasse de trois têtes, a toujours le sourire, suit, participe et ... comprend. Bref, c'est l'élève idéale, celle sur laquelle on peut se reposer quand les autres n'offrent pour seule réponse leurs yeux de merlan frit. Elle a en plus le bon goût d'aimer mon cours et de me le faire savoir très régulièrement.

Du coup quand hier matin, jour de reprise d'école, je la vois entrer dans ma classe avec un grand sourire, puis se retourner et me lancer bien fort "comment ça fait trop plaisir de vous revoir Mme, vous m'avez manqué", j'ai failli répliquer : "Moi aussi je te kiffe Gwada". Mais je me suis contenté d'un simple : "c'est gentil". Je me suis dit aussi que la journée promettait d'être sympa. Mais en fait, non ...

31 octobre 2010

Mon logement, leur curiosité

Ou l'art de vivre en plein quartier d'élèves

Cette année, changement radical : nouveau collège, poste fixe, migration plus au nord du département (plus proche de la civilisation) et donc nouvel appartement, qui me coûte un bras. Mais qui a aussi l'avantage de n'être qu'à 5 min du collège. Forcément, ça veut dire aussi que je me retrouve en plein bassin de recrutement de l'établissement.

Il a fallu environ deux semaines aux premiers élèves pour découvrir l'invraisemblable : Mme HG habite au bout de la rue ! Globalement les élèves sont étonnés de me trouver là, mais plutôt agréablement surpris (comprendre : tous m'ont souri en me voyant, aucun n'a pris la fuite ni n'a essayé de caillasser la voiture).

Parmi les réactions les plus marquantes, il y a celle de la Tigresse, qui m'a vue alors que moi non. Et j'ai donc eu la surprise de la voir débarquer dans ma salle un beau lundi matin à la récréation, alors qu'on n'avait pas cours ensemble. Ravie de m'apprendre qu'elle avait découvert avec Poil de carotte où je vivais et qu'ils avaient fait un pacte pour rester discrets sur cette information de la plus haute importance. Sont pas choupinous mes 4ème ? Bon inutile de dire que le secret a été éventé très vite vu le nombre d'élèves croisés depuis.
Mais la particularité de la Tigresse, c'est qu'elle est de loin la plus curieuse : elle a tenu à me dire qu'elle avait découvert très précisément mon appart, voulait connaître mes animaux, m'a informé qu'elle m'avait vu sortir mes courses, veut savoir pourquoi il m'arrive de ne pas mettre la voiture au garage ... Bref très gentille mais un peu envahissante.

Il y a également le Rêveur qui a la particularité d'être dans la classe dont je suis prof principale. Lui habite dans un pavillon au bout de la rue et s'est arrêté pour faire un brin de causette la première fois qu'il m'a vu rentrer. Bon j'ai écourté la conversation : j'avais la dalle et on venait de passer une heure ensemble ... Sauf que depuis il fait systématiquement un détour pour aller tous les matins au collège et est très fier de m'informer quand il m'a vu partir.

Dernier évènement mémorable, il y a 1h environ j'ai eu l'immense honneur de voir débarquer Poil de carotte et sa jumelle déguisés qui réclamaient des bonbons (petit rappel, oui ils sont en 4ème). Prise au dépourvu je leur dis de repasser d'ici 1/2 h. Entre temps je prépare des muffins au nutella en 4ème vitesse et fais les fonds de tiroir : ne me reste qu'une moitié de tablette de chocolat, quelques caramels au beurre salé et des œufs de goéland et de mouette (cadeau d'anniversaire de mes sœurettes). Pas de bol, ils sont repassés trop tôt et les muffins n'étaient pas prêts. Du coup j'ai sacrifié mes œufs que leur petit frère a adoré et je me retrouve avec des muffins sur les bras ... Mais j'ai ainsi pu faire la connaissance de la maman qui a tenu à m'informer qu'ils avaient fait leurs devoirs !

Stay tune pour de nouvelles aventures dans mon quartier d'élèves !

9 avril 2010

Mon poisson d'avril, leurs réactions (Acte 3)

Acte 3 : Les 5°B

Nouvelle classe, nouvelle ambiance : des bavards peu travailleurs mais sympathiques. J'ai deux doutes avec eux : 1) que la mèche ait malgré tout été vendue par les autres et 2) qu'ils contestent un peu trop bruyamment ...

Dans la cour je n'échappe pas à la tentative maladroite du Lionceau timide, qui reprend vite fait son poisson d'avril. Cette fois-ci j'ai un argument de plus à mon moulin : si je suis arrivée un peu tard pour les chercher, c'est que j'étais à l'administration pour contester une décision récente ...

Sauf que le pessimisme est vraiment de mise dans cette classe. Lionceau bavard dégaine très rapidement "Ouais c'est pas vrai ça, c'est un poisson d'avril !", relayé un peu plus tard par la Poissonnière "Mme, vous êtes sûre de ne pas vous être fait avoir ?" (notez la confiance en mon jugement). Je finis par lancer le cours dans un contexte de division profonde entre les croyants et les sceptiques.

D'une manière générale, ce sont les élèves les plus scolaires qui jouent le jeu à fond : ils ont l'image d'un prof sérieux qui ne peut s'abaisser à ce genre de bêtises (et pourtant je fais pas mal d'humour en cours ...) Dans cette classe, les croyants vont se révéler plus bruyants que dans mon autre 5° : coups d'œil aux quatre coins de la classe, échanges plus ou moins discrets d'informations avec le voisin, doigts qui se lèvent à intervalle régulier pour indiquer une planque potentielle de micro ...

Au final une bonne partie de la classe s'est laissée prendre au jeu (au point que le Grand dadais viendra me confier en fin d'heure que j'ai rendu sa voisine parano), mais je commence à me lasser un peu ...

Mon poisson d'avril, leurs réactions (Acte 2)

Acte 2 : Les 4°C

Rien à voir avec la classe précédente : ils peuvent être très agités, facilement contestataires, ignobles entre eux ... Bref, que du bonheur. L'heure démarre bien, vu que je ne les vois pas arriver. Finalement un petit groupe se pointe et m'annonce leur supercherie : une partie de la classe s'est cachée et veut me faire croire qu'ils ne sont pas là, puis arriver en hurlant "poisson d'avril". Par chance une bonne partie s'est désolidarisée et ils arrivent assez vite.

A ce stade, j'ai failli abandonner l'idée du poisson, trop risqué. Mais comme j'aime les challenges, j'ai retenté. Même petit discours (encore plus dramatique), mais réactions très différentes. Déjà eux ne lèvent pas le doigt pour protester, mais crient leur indignation ... Heureusement qu'il n'y a pas cours dans la salle d'à côté ... Ils sont aussi beaucoup plus soucieux de leurs "droits" que les précédents et beaucoup plus sceptiques, surtout après que Chien fou n°1 ait envisagé l'hypothèse d'un poisson d'avril ...

Après avoir rappelé les violences scolaires récentes, notamment contre des profs, j'ai quand même été surprise de leur réaction : "Ne vous inquiétez pas madame, vous, vous ne risquez rien, surtout avec nous, on vous aime bien", dixit Le surfeur. Quand on ne s'y attend pas, ça fait plaisir. Twingo a même commencé un petit délire très personnel : "De toute façon, Mme Histoire-géo, elle fait du kung-fu ..." Je n'ai pas creusé plus loin cette allégation.

Je persiste et signe mon poisson d'avril et là ça a failli être le drame : certains se sont mis très sérieusement à chercher les micros. Heureusement ils ont vite été calmés par le Pompier : "Mais t'es con ou quoi ? C'est pas un micro, c'est un boulon !" Tout en poésie et en finesse donc. Autre alerte : Chien fou n°2 me demande innocemment : "Mais si on gueule tous ensemble, ils ne pourront rien entendre !" Réaction instantanée de ma part (mais où ai-je été chercher ça ??) : "Il existe des logiciels pour isoler et différencier les sons, voyons !" Ca a mis fin à la discussion et nous avons pu commencer le cours.

Et c'est lors de cette heure que mon envie de bloguer a vu le jour. Grâce à la réaction pour le moins inattendue de Ryan, qui résume d'ailleurs à elle seule tout le personnage. Nous faisions cours, dans un calme relatif depuis une bonne demi-heure, quand ce cher Ryan a eu une de ses interventions dont il a le secret : "Madame, je peux aller à l'infirmerie ? J'ai les oreilles qui bourdonnent, c'est à cause des micros, j'ai super mal" Quelques secondes très pénibles pour moi sont passées, pendant lesquelles j'ai retenu un immense fou-rire, avant de répliquer que les micros n'émettaient pas d'ondes.

La fin de l'heure arrive (enfin) et je leur dessine mon beau poisson. A les croire ils avaient tous deviné ... Vu le nombre de regards furtifs pendant toute l'heure, j'ai comme un doute. Certains ont quand même reconnu s'être fait prendre et avoir adoré, au point de m'en reparler après la récré.

Mon poisson d'avril, leurs réactions (Acte 1)

Acte 1 : Les 5°C

Les 5°C sont ceux avec qui le poisson a le plus de chance de fonctionner : ils sont gentils, très scolaires et pas très bien réveillés à 8h30. Seul petit hic : ils ont bien conscience de la date (comme me l'indique cette petite pression innocente dans mon dos lorsque je vais les chercher dans la cour) et risquent de se douter de la supercherie ...

Je tente quand même le tout pour le tout : air sérieux et préoccupé, rappel de l'actualité récente de violence scolaire puis annonce de la décision ministérielle: "l'établissement a été choisi pour tester une nouvelle méthode : quelques salles ont été équipées de micros (les caméras coûtaient trop cher), dont celle-ci. Seul le principal est au courant de la localisation des micros pour éviter toute dégradation. Tout ce qui est dit est enregistré, pourra être utilisé en réunion parents-profs, lors des conseils de discipline et sera conservé pendant un an."

Murmures indignés, élèves qui lèvent le doigt pour protester (oui, oui, ils respectent les règles pour contester) et demander des détails techniques. Et là, bien évidemment, le trouble-fête qui annonce "à tous les coups c'est un poisson d'avril !" C'était à prévoir ... Improvisation totale à partir de là : mine déconfite, l'expérimentation a été décidée la semaine dernière, les micros posés hier, je suis contre, c'est une atteinte aux libertés fondamentales et les syndicats de profs ont décidé de porter plainte, les associations de parents aussi ... Puis je coupe court à toute question supplémentaire et nous enchaînons sur le cours.

Comme c'est une classe de gentils, ils acceptent et agissent (presque) normalement, à un détail près : une bonne moitié de la classe a passé toute l'heure le nez en l'air à chercher les micros. Le plus dur a été de faire cours sans rire ... A la fin de l'heure je demande à l'une des élèves si elle en a repéré un et là j'ai 10 doigts qui m'indiquent le plafonnier ! Je dessine donc un poisson au tableau, ils sont ravis de s'être fait piéger. Dernière petite recommandation : pas un mot à la récré, je veux faire la même surprise à mes autres classes.

Mon poisson d'avril, leurs réactions (Prologue)

Ou une comédie en quatre actes sur un poisson d'avril mémorable,
qui aurait pu se transformer en tragédie à l'acte 2.

Ce poisson d'avril, j'y pense depuis un moment. Presque un an en fait, depuis que j'ai lu ceux de collègues. Une idée a retenu mon attention : faire croire à la classe qu'elle est filmée et que le principal peut les voir en direct.

Problème logistique : comment leur faire croire qu'il y a des caméras dans une salle minuscule, qu'ils connaissent par cœur et dans laquelle ils s'entassent à 27 ou 30 tous les jeudis matins ? J'ai bien eu l'intention de leur faire croire que la caméra se trouvait dans le rétroprojecteur, mais ça me semblait peu réaliste et ils ne sont pas idiots (pas pour ce genre de chose en tout cas). Et puis j'en ai besoin du rétro ...

Finalement, c'est la veille au soir que l'illumination vint, grâce à ce merveilleux outil qu'est MSN : oublier l'idée des caméras et la remplacer par des micros ! Ni une, ni deux, l'idée est adoptée à l'unanimité de moi-même. Reste un détail technique : je fais la blague à toutes mes classes, y compris à la 4°C avec qui ça peut dégénérer ? Comment faire avec les 4°D qui 1) sont en contrôle et 2) n'ont cours avec moi que l'après-midi (donc inutile de dire que le poisson risque de ne plus être très frais). La nuit portant conseil, je décide d'improviser.